Octobre, quelque part dans une petite falaise reculée, le jour tombe rapidement, la garrigue des environs est déjà sombre et la pénombre se glisse entre les escarpements de roche claire. Le mâle Grand-duc sort peu à peu de sa torpeur et commence à chanter faiblement depuis son gîte diurne. Des Houuu-oooh discrets, espacés, difficiles à localiser, peut-être sortis de l’imaginaire de celui qui, tapi à distance, est venu écouter l’oiseau mythique. Maintenant c’est certain, c’est bien un Grand-duc qui chante ! Il s’est déplacé dans la nuit sur un de ses postes de chant. Toutes les quatre secondes, l’oiseau réaffirme à gorge déployée la maîtrise de son territoire à l’intention d’un éventuel rival.
Evoquer le Grand-duc d’Europe ne laisse pas indifférent : superprédateur, taille impressionnante, sérénité, mouvements de la tête et du corps effectués sans précipitation, vol ultra silencieux, regard profond, habitudes nocturnes mal connues. L’aigle de la nuit appartient au monde des ténèbres et inspire le respect.
En février, parfois même dès janvier, la femelle pond trois œufs, à même le sol, dans une légère cuvette aménagée dans la terre sans rajout de branches ou cailloux. Cette aire est disposée sur une vire de la falaise, souvent à l’abri d’un surplomb et derrière un buisson. La présence du buisson est importante car la femelle doit pouvoir couver sereinement pendant la journée. Les Grands Corbeaux rusés travailleraient de concert pour éloigner la couveuse et ses serres redoutables en vue de s’emparer des œufs ou des jeunes poussins en duvet. Plus rarement, la femelle pond dans une petite grotte.
Le mâle Grand-duc assurera l’essentiel de l’approvisionnement de la nichée en bas âge. Fort de ses 1,70 m d’envergure il peut saisir un renardeau, mais l’essentiel de ses proies est bien plus modeste. L’oiseau chasse sur les garrigues ouvertes, les formations rocheuses, les zones humides, les cultures, même très près des habitations. Le vol silencieux favorise la capture. Le bord d’attaque de la première plume des ailes est muni d’un « peigne » qui supprime le bruit de frottement de l’air. De même, un velours dense couvre les plumes évitant la friction directe avec les plumes voisines.
Autour de l’aire, quelques pelotes de poils et d’os, recrachées par le bec après digestion, reposent sur le sol. De nombreux os, plumes et peaux de hérissons racornies, témoignent du régime alimentaire de ces hiboux. Les rats, loirs, belettes, lapins, petits rapaces, pigeons, pies, geais… sont indifféremment capturés. Même les criquets et les coléoptères ne sont pas dédaignés. Plus de 3 200 proies pour 93 espèces différentes ont été récoltées par le CEN PACA dans les territoires à Grands-ducs de la Sainte-Baume. Malgré la raréfaction des lapins et des perdrix, le Grand-duc a su s’adapter.
Pourtant, ce nocturne géant a bien failli disparaître sous les coups directs de l’homme et ses activités omniprésentes. La persévérance de bénévoles œuvrant pour une nature en équilibre a permis que ce rapace exceptionnel puisse reconquérir lui-même ses territoires d’antan.

Plus de 30 couples de Grands-ducs habitent le massif, de Gémenos à La Roquebrussanne et de Signes à Saint-Maximin. En Provence, c’est dans les Alpilles, le Lubéron et à la Sainte-Baume que les effectifs sont les plus importants.

3 commentaires

  1. Bonjour,
    La question est bête mais voilà : où précisément peut-on en entendre un ? (je vais régulièrement à Cuges les pins, son chant portant à près de 4km, ai-je des chances de l’entendre ?)
    Merci !!!
    Nocturneusement votre

  2. Magnifique !

  3. C’est le fameux « grosibou » je présume Jean-Claude ?

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